Ballade des pendus du vingt-et-unième siècle

Accroché au métier comme un gui à son chêne,
Le cadre est rentré tard ; mais sans avoir dîné.
La tête est au travail et l’esprit dans ses chaînes
Ne sent plus les lourdeurs de ses membres vannés.
Comme toujours ce soir notre pauvre homme omet
De dire à qui de droit ses plaintes amoureuses.
Patrons tant respectés, n’oubliez donc jamais
Qu’on meurt de solitude en ville populeuse.

Le soir sur son cahier l’écolier à la peine
Ecrit, récrit encor l’exercice donné.
Le matin au collège, il éprouve la haine,
La haine naturelle. Oui, jusqu’au cours sonné,
Il hait son condisciple et pourtant il remet
Au lendemain encore une plainte peureuse.
Professeurs fatigués, n’oubliez donc jamais
Qu’on meurt de solitude en ville populeuse.

La vieille en sa pension ne change plus les chaînes
De sa télévision. Que pleurent les années
Passées dans la grand’salle et une attente vaine !
Aucune lettre, hélas ! de ses filles aînées.
L’infirmier mercenaire, enfin ! parfois remet
Le vieux livre tombé du lit de la dormeuse.
Enfants chéris, gâtés, n’oubliez donc jamais
Qu’on meurt de solitude en ville populeuse.

Princes de l’aujourd’hui, ô Puissants qui aimez
L’argent, la renommée, les chansons oublieuses,
Divinités d’un soir, n’oubliez donc jamais
Qu’on meurt de solitude en ville populeuse.

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