Testament d’un Peuple – les poèmes

Je profite un peu de la nouvelle année pour ouvrir l’album souvenir. Voici les poèmes insérés dans mon premier roman, Testament d’un peuple

Le poème au roi

Sonnez sur la montagne et sur le fleuve immense,
Trompettes de la gloire, exaltez sa puissance.
Au nom de Mataïote, à l’appel de ses pères,
Tout le pays frémit, toute la terre espère.
O protecteur des blés, soleil de tes sujets,
La justice t’appelle et chante tes projets,
Autrefois bien souvent vers toi elle cria.
Tremblez en vos halliers, ennemis de Mania,
Retourner vous cacher, rentrez dans vos terriers,
Implorez le pardon de notre roi guerrier
Et répandez les pleurs que méritent vos crimes.

Lorsque la terre éclate au printemps de nos vies,
Entre en germination et résonne à l’envi,
Viens relever, mon roi, les épis de la joie.
Il faut que nos enfants grandissent sous tes lois.
Alors la liberté s’éveille sous ta voix,
Tant est droit le chemin que nous tracent tes pas.
Honte à ces scélérats, qu’un musicien trompa,
A nier l’équité que toujours tu montras.
Ne craignons pas les chiens que ta force décime.

Chanson

Sur l’herbe de l’alpage où je dormais enfant,
Un jour tu m’aperçus.
J’avais grandi heureuse et j’appris en riant
Que j’étais belle nue.
Tu vantais mon teint mat et voulais mes caresses.
Et j’en étais émue.
Tu étais insolent et jouais de mes tresses,
Que tu disais en or.
Véloce messager, cours dire à mon amant
Qu’il m’en souvient encore.

Tu m’avais observée alors que je nageais
Dans l’eau d’une fontaine.
Prétentieux, tu disais qu’au fond de moi logeait
Une pudeur bien vaine.
Tu mis à mes cheveux la plume bleue d’un geai.
Je résistai à peine.
Lorsque je me livrais, tes rivaux enrageaient.
Tu en riais bien fort.
Mon gentil messager, va dire à mon amant
Qu’il m’en souvient encor.

Les sergents sont venus en disant : « C’est la loi !
Et c’est pour ton honneur ! »
Aujourd’hui sont bien loin les chansons d’autrefois,
Qui réchauffaient nos cœurs.
Deux pays, trois armées me séparent de toi
Et m’emplissent de peur.
Près de ton souvenir, en tout lieu en tout temps,
Inquiète, je m’endors.
Courageux messager, va dire à mon amant

Qu’il m’en souvient encor.

Chanson

Sur un air proche et cependant fort différent, accompagnée par une flûte en os:

Au puits de l’amitié, nous portions des bouteilles
Pour fêter nos aînés :
« Ecoutez la nouvelle, admirez la merveille,
La vie si bien donnée.
Car la plus belle amie, le visage vermeil,
La poitrine parée,
Souriante en son lit, protège le sommeil
D’un enfant adoré. »

Au puits de nos malheurs, des guerriers attroupés
S’amusaient et braillaient.
Mon amie retardée n’a pu leur échapper.
La montagne criait.
Le chef des assassins au casque orné d’une ourse
Ignorait la pitié.
Il incitait sa bande à rire de la course
Des enfants effrayés.

Au puits de la douleur, où tu m’as aperçue,
Mes cris t’ont alerté.
Pendant que tu courais, les monstres m’ont battue,
Bafoué ma beauté.
J’ai respiré enfin, quand tu as combattu
Ces démons détestés.
Mais la terre jamais ne nous rend le sang bu
Des enfants décédés.

Au puits de la souffrance, où tu m’as relevée,
J’ai déposé mes pleurs.
J’entends encore en moi ta voix qui m’a sauvée :
« Tu dois dompter ta peur.
Car je voudrais t’aimer, je voudrais te donner
Une nouvelle fleur.
Pleurons nos disparus mais chantons les années
De nos filles puînées. »

Chanson

Ma chère amie, tu ne sais où je suis.
Quel messager, quel oiseau le dira,
Quand, même moi, j’ignore où est ma nuit ?
Je dors ici, peu m’importe l’endroit,
Là où le chef décide qu’on s’arrête.
Si loin de toi, combien je me sens bête.
Je reste seul car on doit ignorer
Que je pleure en secret.

Chevaux fourbus et soldats épuisés
Tombent au sol, dès que le général
Donne la pause. On assomme le mal,
Sans le guérir, à grands coups d’opiacées
N’en déplaise à nos chefs, on souffre encore,
De froid, de faim et de s’être égaré.
Et toi là-bas, sans doute tu ignores
Que je pleure en secret.

A l’aube enfin, la bataille a eu lieu.
Le roi est mort, nos ennemis aussi.
C’en est fini. Pouvait-on faire mieux ?
Cruel calcul ! Deux mille trois cent six.
Tant de décès, de héros honorés.
Tête baissée, en allant vers le port,
Je suis hanté par mes compagnons morts,
Que je pleure en secret.

Mademoiselle, attends-moi, je reviens.

Écoute bien : la chanson qui t’a plu,
Elle résonne et te dit un refrain
Où je ne pleure plus.

Les héros vaincus

Ô gloire immortelle à tout jamais ternie
Blessure oubliée
Jamais cicatrisée,
Saga inchantée
Des exploits insensés,
Odyssée sans rivage,
Renommée des ravages,
Déesse sauvage,
Païenne au plus haut point.

Ô devoir militaire
Consécration du crime
Blasphème célébré.

Mes compagnons sont morts,
L’espoir de nos jeunesses.
Sur les souvenirs de nos efforts et de nos joies,
Je versai des larmes,
Larmes à jamais séchées par un soleil cruel,
Comme l’est une idole sourde.

Et j’erre maintenant dans une mémoire étrangère,
Étranger en ma terre, étranger en mon temps.
Je contemple effaré la gloire de pierre de mes ancêtres supposés.

Sur une pierre taillée, je glisse mes doigts sur des
Tracés mystérieux, magiques ou adultères,
Une inscription concise et absconse.

Bientôt de mes actions et de celles des miens,
Il ne restera plus à lire
Que nos os déterrés.

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