Folie

Vanité des vanités et tout est vanité Qo 1;2

Qu’importe où nous allons, criait le jeune Eros.

Il connut la passion, l’ardeur des premiers jours,
Les serments amoureux et les parfums de femme,
Le lyrisme blessé d’une idylle brisée.

Il parcourut la Terre, traversant les mers, escaladant les montagnes.
On le vit au Néguev, au désert du Népal,
Aux jungles de Myan Mar, aux rochers du Texas,
Aux marais de Floride parmi les Séminoles,
Chez les fils du soleil dans les cercles de pierre,
Chez les enfants du feu des montagnes d’Iran,
De l’extrémité de la Terre à son extrémité.

Il dévasta le monde, traversant des montagnes, pénétrant des abîmes.
Il connut des mystères insoupçonnés et intolérables pour tout autre mortel.
Il connut les pouvoirs, les scandales, le vice,
Le plaisir effréné, la jouissance froide,
Le glacial calcul liquéfiant les élans
Du coeur et de l’esprit, laissant la lyre morte,
Déplorable instrument d’une illusion risible,
Le charme, la magie avec leurs corruptions,
La haine, le mépris, leur cortège de sang,
Les cris du beau combat, l’odeur des chairs fumantes.
Il invoqua des dieux, appela des éons,
Soumettant des géants, éveillant des démons.
Subjuguant des nations, il se crut immortel.

Mais quand fut achevée la série des saisons
Où pouvoir lui fut concédé de dévaster la Terre,
Il arriva enfin qu’il en finît le tour.
Il connut alors ou plutôt reconnut
Qu’il n’avait rien changé mais qu’il avait vieilli.
La faiblesse des ans se fit alors sentir.
Il n’eut plus le courage de bouger pour bouger.
Il se dit “A quoi bon?” et voulut s’arrêter
“J’ai peiné pour du vent et je n’ai plus de force.
Le serpent qui se mord se meurt.”
Il sut ce qu’il était -insigne privilège!-
Et se vit nu, décharné, sans substance.
Le chemin parcouru lui sembla dérisoire
Et plus rien ne parut garder de sa valeur.
Et dans sa lassitude il désira le vide
Mais par grâce entendit une voix mystérieuse,
Noble et douce, lui demandant tout simplement: “Suis-moi.”,
En se nommant: “Je suis.”

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